Lorry et Mardigny aux XVIe-XVIIIe siècle


Au XVIe siècle, la Réforme luthérienne connaît un certain succès à Metz. Puis rapidement, suite à l'intervention de Guillaume Farel, c'est vers le calvinisme que se tournent les protestants de la ville et des villages. Or Metz et le Pays messin sont occupés par la France et deviennent français de fait en 1552 : les protestants vont donc vivre au rythme des guerres de religion françaises. Toutefois, le statut particulier de Metz en atténue les conséquences. Par exemple, il n'y aura pas ici de massacre de la Saint-Barthélémy en 1572. Mais régulièrement, pendant la deuxième moitié du siècle, le culte est interdit à Metz pour être déplacé dans une seigneurie tenue par un calviniste. Les registres paroissiaux des réformés commencent en 1561, ils contiennent les actes de baptême et de mariage des calvinistes de Metz et des villages du Pays messin. On y trouve un premier acte concernant Lorry en 1563.

La Réforme calviniste s'est développée à Lorry, comme dans de nombreux villages de vignerons du Pays messin, mais peu ou pas à Mardigny, village tourné vers la céréaliculture. Lorry a eu pendant quelques années son propre pasteur mais dès 1576, les calvinistes de Lorry fréquentaient un temple de la banlieue de Metz et ce, jusqu'en 1685.

A partir de 1592, les calvinistes du Pays messin obtiennent une existence légale par une déclaration royale. La communauté protestante de Lorry peut alors se développer : en 1603, il y a sans doute une cinquantaine de foyers calvinistes pour une quinzaine de foyers catholiques à Lorry. De 1600 à 1630 environ, le dixième environ des baptêmes calvinistes des villages du Pays messin (hormis Courcelles-Chaussy) concernent Lorry ; or, suivant les années, 30 à 40 villages sont cités dans ces registres.

En 1626, une épidémie de peste ravage le Pays messin, elle marque le début de trois décennies très difficiles. Les différentes troupes des belligérants de la guerre de Trente Ans viennent tour à tour cantonner dans les villages, opérer des massacres, apporter des maladies. Les Suédois et les Croates marquent tragiquement leur passage en 1636. Les habitants des villages tentent de se réfugier à Metz mais on les renvoie bientôt se défendre dans leurs églises fortifiées et châteaux. De nombreux villages de l'est mosellan disparaissent alors. En 1639, les foyers calvinistes représentent toujours environ 2/3 de la population de Lorry mais leur déclin a commencé.

En 1651, la seigneurie de Mardigny est achetée par un calviniste, Abraham Le Duchat, membre du parlement de Metz (cour de justice avec pouvoirs administratifs et politiques) qui rénove la maison forte : il transforme la tour-proche en un portail à portes cochère et piétonne. Il représente souvent les protestants messins auprès du roi de France pour l'assurer de leur fidélité et lui demander de les épargner au cours de ces décennies qui précèdent la révocation de l'édit de Nantes. Quelques calvinistes s'installent alors à Mardigny : un jardinier au château, des laboureurs sur les terres de la seigneurie mais il n'y a probablement aucune conversion chez les catholiques.

D'ailleurs, l'Église catholique vient de commencer à reprendre en main le village de Lorry : mise en place d'une école, curé plus présent qu'auparavant, une mission en 1668, une visite de l'évêque en 1676. Les jeunes protestants quittent de plus en plus le village alors que les rangs des catholiques au contraire sont augmentés de familles arrivées après la guerre de Trente ans. Finalement, en 1685, les calvinistes ne représentent plus qu'un tiers de la population.

Octobre 1685, c'est la révocation de l'édit de Nantes qui interdit l'exercice du culte protestant et chasse les pasteurs. Quelques jeunes calvinistes de Lorry partent dès l'année suivante pour le Refuge en Allemagne (à Cassel mais surtout à Berlin et dans le Brandebourg). Des couples avec enfants les rejoignent à la fin du siècle.

Très vite, Mardigny n'a plus de calvinistes. Ceux qui restent à Lorry adoptent deux attitudes différentes. Certains vont adhérer définitivement au catholicisme. D'autres résistent, abjurent "du bout des lèvres", se marient devant le curé et lui font baptiser leurs enfants qu'ils élèvent pourtant dans le calvinisme. En général, nous disposons dans le registre catholique de leurs actes de mariage et baptême mais nous n'avons pas les actes de décès à moins qu'ils n'abjurent en mourant, ce qui est rare. Entre 1720 et 1724, 4 jeunes couples réussissent même à se marier devant un pasteur puis ils font baptiser leurs enfants par le curé de Lorry. Mais ils représentent la dernière génération de résistants. La génération née dans les années 1720/1730 abjure au mariage et cette fois définitivement. Au moment de la Révolution, il n'y a plus de protestants à Lorry.


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